La génération Z s’apprête à débarquer en masse dans le monde du travail. Elodie Gentina, auteure de nombreux ouvrages sur la question, docteure en science de gestion et intervenante Uprightly, nous explique comment les jeunes nés avec un smartphone dans la main vont bousculer les codes de l’entreprise.
“D’ici 2025, la génération Z occupera 50% des postes en entreprise” introduit Elodie Gentina, auteure de « Génération Z : Des Z consommateurs aux Z collaborateurs » (Dunod, 2018). Que va engendrer cette arrivée massive sur le marché du travail de cette “génération d’ambitieux” ? On dit souvent que la génération Y profite de la vie et que la génération Z change le monde… Rien de plus plus vrai dans l’univers de l’entreprise ! Ce, dès le premier contact, lors de l’entretien d’embauche.
Mais avant que cette génération ne prenne possession de 50% des postes… elle va devoir se confronter aux entretiens d’embauche. Peut-être serait-il plus judicieux de dire que ce sont les entreprises qui vont avoir à se “confronter” aux jeunes nés après 1995 dans le processus de recrutement. Car c’est pour les firmes que l’adaptation est parfois la plus compliquée. La génération Z est surprenante pour les recruteurs, comme le soulignait récemment une étude Glassdoor menée sur plus de 15 000 personnes durant onze ans.
Professeure en marketing à l’Ieseg School of Management, Elodie Gentina explique : “Du temps des précédentes générations, c’était l’entreprise qui faisait l’honneur de proposer un emploi. Cela ne se faisait pas de refuser l’offre à l’issu de l’entretien. Aujourd’hui, ça ne se passe plus comme ça”. L’étude Glassdoor pointe que la génération Z dit “non” à la proposition de l’employeur dans 1 cas sur 6. Au motif que l’entretien ait été trop simple, ou au contraire trop compliqué.
Et pour cause : “Les jeunes ont plus d’attentes !” s’exclame Elodie Gentina. Le rapport n’est plus le même : ils ont conscience d’être des atouts pour l’entreprise, ont connaissance de leur “valeur” sur le marché de l’emploi. Les procédures RH commencent à s’adapter…
“La manière de faire les entretiens change”, reprend Elodie Gentina. “De plus en plus d’entretiens se font sur Skype, des échanges se font sur des systèmes de messagerie instantanée aussi. Des modules plus détendus se mettent en place avec des entretiens collectifs et des scénarios ludiques à travers des “serious games” (jeux de rôles).” C’est de cette façon que les jeunes de la génération Z se sentent inclus dans l’entreprise, sous forme de mise en situation.
Ce que veulent les jeunes
“Mais le plus important pour la génération Z c’est l’humain, et l’interaction. Un jeune qui postule en entreprise va vouloir rencontrer l’équipe, voir comment ça se passe dans l’entreprise”, précise Elodie Gentina, pour en venir au point clef de cette transformation du rapport employeur/employé provoqué par la Génération Z : que veulent les jeunes ?
Les jeunes ont de vraies exigences sur l’environnement de travail. Vais-je m’y sentir bien ? Vais-je m’entendre avec mes collègues ? Vais-je pouvoir m’y épanouir ? Autant de questions autour du bien-être en entreprise, qui sont caractéristiques de cette génération.
Or, l’entreprise n’est pas “cool” pour 52% des jeunes interrogés. Le bien-être et le confort des employés n’est pas encore suffisamment une priorité pour les entreprises selon la génération Z qui sont 86% à penser que les firmes vont devoir “s’y mettre”. La bureaucratie ne les intéresse pas, ils sont 42,2% à penser que l’entreprise est encore trop “stricte”.
La liberté est une valeur primordiale, d’après une étude menée par Elodie Gentina dans le nord de la France auprès de 2 000 jeunes. Il en résulte que 70,5% d’entre eux pensent que la productivité d’une entreprise peut augmenter si les salariés se sentent libres en terme d’horaire, de mobilité… Deux termes qui renvoient à la question du télé-travail, pratique qui connaît un récent boom. Mais qui continue encore pour certains à être vu comme synonyme de congé.
Ce que veulent les jeunes ? Un équilibre entre vie professionnelle et personnelle, ils sont 63,5% à espérer cela d’ici 10 ans. Un travail “sain” qui n’empiète pas sur leurs attentes de vie. “S’ils veulent faire un tour du monde, ils le feront. Peu importe leur emploi”, reprend Elodie Gentina.
Les jeunes futurs employés ont une “volonté de renouvellement, ils ont soif d’apprendre, ils veulent grandir dans l’entreprise.” Leur rôle dans l’entreprise ne peut pas être à sens unique : ils donnent, mais doivent recevoir aussi. “Pas de routine !” pourrait être le crédo de la génération Z au travail.
Autre point : ils ont besoin de “se sentir utile pour le bien commun” reprend l’enseignante à l’Ieseg. Elle précise qu’en entretien les questions au sujet du développement durable de la société, de la possibilité de participer à des associations humanitaires (…) sont de plus en plus nombreuses.
La génération Z est-elle infidèle ?
Si contrairement aux baby-boomers l’entreprise n’est plus une seconde famille, une extension de soi ou le moyen ultime d’obtenir un statut social, la génération Z accorde tout de même beaucoup d’importance à son entreprise. Les “valeurs” anciennes perdurent : 75,7% d’entre eux sont d’accord pour dire que le collectif est plus important que l’individuel dans le travail. Ils ne sont par ailleurs pas contre la hiérarchie : 49,4% des jeunes interviewés par Elodie Gentina confient être d’accord avec ce système et vouloir le conserver.
Mais la hiérarchie est vue différemment par la génération Z. Il ne s’agit pas de se voir uniquement dicter une conduite professionnelle, assigner des tâches, évaluer à la fin de l’année… “Les jeunes employés sont à la recherche de mentors”, explique Elodie Gentina. Le rapport à la hiérarchie n’est pas strictement pyramidal. Ce qui ne les empêche pas d’avoir du respect pour leurs supérieurs et aînés, bien au contraire.
“Il ne faut pas dire qu’ils ne sont pas fidèles !”, conclut la docteure en sciences de gestion, à propos d’une idée reçue souvent martelée à leur propos. “C’est différent de leurs parents, ils sont fidèles à leurs collègues, à leur équipe. Si l’ambiance est bonne et les conditions de travail sereines, alors ils resteront dans l’entreprise.”