Le Premier ministre, Jean Castex, nommé vendredi 3 juillet, a été chargé de former un nouveau « gouvernement de mission et de rassemblement », selon la volonté du président de la République.
Avec 17 femmes et 14 hommes (hors le Premier ministre), le gouvernement Castex compte 16 ministres, 14 ministres délégués et un secrétaire d’Etat, porte-parole du gouvernement. Parmi eux, 9 sont de nouveaux entrants : Barbara Pompili – ministre de la Transition écologique, Eric Dupond-Moretti – ministre de la Justice, Roselyne Bachelot – ministre de la Culture, Elisabeth Moreno – ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, Alain Griset – ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, Brigitte Klinkert – ministre déléguée chargée de l’Insertion, Nadia Hai – ministre déléguée chargée de la Ville et Brigitte Bourguignon ministre déléguée chargée de l’Autonomie.
Mais s’il y a ceux qui entrent, il y a aussi ceux qui sortent et c’est le cas pour Christophe Castaner, Nicole Beloubet, Didier Guillaume, Muriel Pénicaud et Sibeth Ndiaye.
Il est important de noter que les principaux mouvements ont principalement eu lieu “en interne”.
Gérald Darmanin devient ainsi ministre de l’Intérieur, Elisabeth Borne récupère le portefeuille de Muriel Pénicaud, Annick Girardin passe des Outre-mer à la Mer et Franck Riester est rétrogradé du ministère de la Culture à un poste de ministre délégué en charge du Commerce extérieur et de l’Attractivité. Sébastien Lecornu est promu ministre (anciennement ministre délégué en charge des Collectivités territoriales) et récupère les Outre-mer, tout comme Julien Denormandie qui quitte son portefeuille de ministre délégué au Logement pour prendre le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Amélie de Montchalin a également obtenu une belle promotion en passant du secrétariat d’Etat aux Affaires européennes à un poste de ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Emmanuelle Wargon (anciennement secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique) monte également en grade et devient ministre déléguée en charge du Logement. Même chose pour Marlène Schiappa (anciennement secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes) qui devient ministre déléguée chargée de la Citoyenneté. Enfin, Gabriel Attal reste secrétaire d’Etat, mais quitte le ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse pour prendre le porte-parolat du gouvernement, alors qu’il était fortement pressenti pour remplacer Gilles Le Gendre à l’Assemblée nationale.
D’autres restent tout simplement à leur poste : Jean-Yves Le Drian conserve les Affaires étrangères, Jean-Michel Blanquer conserve l’Éducation et la Jeunesse (mais il hérite en plus des Sports), Bruno Le Maire reste à l’Économie (mais il agrandit son périmètre avec les Finances et la Relance), Florence Parly demeure ministres des Armées, Jacqueline Gourault reste à la Cohésion des territoires, comme Olivier Véran aux Solidarités et à la Santé et Frédérique Vidal à l’Enseignement supérieur.
Du côté des ministres délégués, Marc Fesneau conserve pour sa part les Relations avec le Parlement, Jean-Baptiste Djebbari garde les Transports, Olivier Dussopt conserve les Comptes publics. Agnès Pannier-Runacher reste elle aussi à Bercy, chargée de l’Industrie, et Roxana Maracineanu conserve son portefeuille aux Sports. Enfin, Geneviève Darrieussecq reste au ministère des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Outre les “surprises” et incompréhensions qui ont déjà suffisamment défrayé la chronique, quels sont les enseignements que nous pouvons tirer de ce remaniement plus qu’attendu ?
Nous pouvons dire dans un premier temps qu’Emmanuel Macron cherche, en nommant Jean Castex au poste de Premier ministre, à atteindre un double objectif : séduire un électorat de droite conservateur et avoir un Premier ministre qui ne lui fera pas de l’ombre, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022.
En outre, la nomination de Barbara Pompili et son positionnement protocolaire dans le nouveau gouvernement est également très stratégique. Grâce à elle, Emmanuel Macron joue un coup double. Il montre d’abord qu’il a pris en compte les résultats des municipales en nommant un profil qui les incarne particulièrement bien : une jeune femme écologiste. Ensuite, il préserve son camp en évitant une hémorragie au sein de sa majorité à l’Assemblée nationale. En effet, par cette nomination, il évite de décevoir la frange progressiste de la République en marche et la dissuade de rejoindre le groupe de frondeurs de la majorité, le groupe “Ecologie, Démocratie et Solidarité”.
Mais cette stratégie est-elle viable et permettra-t-elle au président de la République de regagner la confiance des Français ?
Réponse : non. Et pour deux raisons. La première : il n’est pas exclu que la caution progressiste et écologiste, incarnée par Barbara Pompili, ne décide de s’écarter du gouvernement si les grandes orientations de la relance ne prennent pas suffisamment en compte les considérations environnementales. La personnalité et l’engagement de cette ancienne secrétaire d’Etat de la majorité précédente pourraient la pousser à refuser certaines concessions et à claquer la porte de l’Hôtel de Roquelaure. L’équilibre voulu entre gauche et droite et économie et écologie serait alors fortement mis à mal et pousserait Emmanuel Macron à s’inscrire davantage dans une mouvance conservatrice, assez loin du progressisme initialement défendu par En Marche !
Seconde raison : en définissant un gouvernement d’équilibre mais qui penche sévèrement à droite, Emmanuel Macron tente de réaffirmer qu’il cherche à faire de la politique autrement en dépassant les clivages idéologiques. Or, cette absence de “colonne vertébrale” idéologique lui a déjà fait perdre de nombreux soutiens politiques et a écarté son électorat progressiste sur lequel il n’a pas pu compter lors des récentes municipales…
Mais n’oublions pas que ce remaniement de l’exécutif va nécessairement avoir des conséquences sur l’organisation interne de l’Assemblée nationale.
En effet, Barbara Pompili et Brigitte Bourguignon devront être remplacées et les présidences de la commission des Affaires sociales et du Développement durable sont désormais vacantes. Ces nominations permettront aux étoiles montantes de la République en marche de s’affirmer. Mais ce serait aussi l’occasion de permettre à certains profils, tenus à l’écart pendant un certain temps, de réapparaître sur le devant de la scène. On pense notamment à François de Rugy qui pourrait prendre la tête de la commission du Développement durable.
Suite à la crise sanitaire (et à ses nombreux couacs) et aux résultats des municipales, ce remaniement était un exercice presque obligatoire pour Emmanuel Macron. La réussite de cet exercice dépendra de la capacité du chef de l’Etat à réussir à ce que l’unité de ce “gouvernement de mission et de rassemblement” soit préservée.
Nous verrons ainsi si ce gouvernement n’est qu’un amour estival ou s’il débouchera sur un mariage politique intelligent, à même de dépasser les clivages idéologiques et de contenir les personnalités (parfois débordantes) de certains de ses membres.