Venu de Chine, le live shopping se diffuse mondialement
Le live shopping ou “shopping en direct”, est une technique de vente numérique consistant à réaliser un livestream immersif et interactif sur une plateforme en ligne, notamment sur les réseaux sociaux ou sur un site web.
Proche du “télé-achat”, c’est une version “internet” et “conversationnelle” de ce dernier, jouant également son succès sur la popularité des “influenceurs” qui animent ces lives.
Principalement popularisé en Chine vers l’année 2018, le live shopping avait été utilisé par un total de 433 millions de consommateurs chinois en 2019, soit à peu près 30% de la population totale. Mais c’est avec le contexte pandémique que la méthode de vente a connu un bon : en 2020, ce sont 62% des utilisateurs d’internet chinois qui l’ont utilisé au moins une fois. Le live shopping commence donc à s’installer durablement.
En Europe ou aux Etats-Unis, les marques ne sont pas passées à côté du phénomène et ont également commencé à organiser leurs propres lives shopping en 2020, profitant ainsi du contexte sanitaire et des confinements.
Bien que cette pratique semble s’être imposée en France avec le terme “live shopping”, si l’on se tourne vers l’international, on retrouve de nombreuses autres appellations comme : live selling, live online selling, live commerce, livestream shopping, livestream shopping, social selling, talkshow live, shoppable live et bien d’autres.
Avec son nom changeant selon les zones géographiques, les contours exacts du live-shopping ne semblent pas encore clairement définis : il s’agit d’un canal de vente encore naissant et chaque marché doit encore précisément se l’approprier.
Le live shopping, un canal qui a déjà fait ses preuves
Au sein du marché Français, des marques reconnues s’essaient déjà au live shopping.
Ainsi, Sephora a créé son live shopping, pour retrouver “l’expérience magasin depuis chez vous”, où les « Beauty Advisor » de la marque peuvent chater en direct avec les clients et leur proposer un conseil personnalisé en les appelant en visio. Résultat : des taux de conversion en hausse par rapport aux canaux digitaux habituels.
Citons également Fnac-Darty, qui a eu l’occasion de collaborer avec le vidéaste Squeezie pour un live shopping, dont le succès lui a valu la multiplication par 400 de ses ventes.
Du côté américain, nous pouvons également citer le géant de la distribution, Walmart, qui mise sur les live Tik Tok et qui rencontre également un franc succès.
Par ailleurs, selon différents benchmarks (iResearch, Gartner ou Deloitte), le live shopping serait un bon moyen de réaliser de l’up-selling, car cette forme de e-commerce installe un climat de confiance avec l’audience, donnant ainsi l’opportunité aux “live seller” de présenter des produits ou services complémentaires.
L’animateur, la clé du succès d’un live shopping
C’est indéniable, l’animateur est l’élément central d’un live ; il est décisif pour susciter et maintenir l’attention, convaincre des qualités du produit et ainsi, augmenter les ventes et le panier moyen du consommateur.
Pour mieux comprendre quelles sont les clés de l’animation d’un live shopping, Charlotte Rosier Tapiro et Stéphane Jobert répondent à nos questions.
Charlotte Rosier Tapiro est animatrice TV, consultante en image et fondatrice de Mademoiselle Charlotte Relooking.
Stéphane Jobert, Directeur Général d’Uprightly a exercé en tant que journaliste et animateur de télévision et radio, sur TF1, BFM Paris et, plus récemment, sur France Bleu.
Qu’est ce qui fait un bon animateur de live shopping ?
Stéphane : C’est d’abord celui qui maîtrise à la fois les codes de la télévision et ceux de la vente. Présenter un évènement de Live Shopping, ce n’est pas seulement parler devant une caméra et lire un script, c’est faire passer de l’émotion, transmettre l’histoire d’une marque et d’un produit et déclencher un acte d’achat car, au final, c’est le Call To Action qui compte.
Charlotte : Pour moi, il y a d’abord une dimension d’empathie et une dimension marketing. Il faut savoir se mettre à la place de la personne qui va être potentiellement intéressée et bien connaître toutes les caractéristiques de chaque produit, afin d’en faire des arguments et que ce produit devienne indispensable aux yeux du consommateur. Enfin, pour un “cocktail final”, qui va être l’acte d’achat, il est indispensable de maîtriser les codes de l’animation, de l’audiovisuel et de la vente.
Quelles sont les règles à respecter pour réussir un live shopping ?
Stéphane : Il faut créer un univers qui correspond à la marque, à ses valeurs et à ses produits. Il faut aussi comprendre qui va regarder le live pour adapter son discours, son style et les éléments de langage.
Je pense qu’il faut avant tout faire preuve d’honnêteté, de sincérité et de transparence vis-à-vis du spectateur. Ne pas surjouer dans la présentation et réussir l’exercice d’une conversation à 3 en intégrant un prescripteur/influenceur, le téléspectateur et l’animateur..
Charlotte : Il faut savoir mettre en avant le produit et connaître tous les codes pour montrer le produit sous son plus bel angle. Cela passe aussi bien par la gestuelle et l’argumentaire que par le produit lui-même. Il y a des règles d’image, d’argumentaire et de discours à respecter afin de ne jamais dissuader les spectateurs. C’est une question de rythme.
Personnellement, j’aime bien expliquer pourquoi moi j’aime un produit ; il faut délivrer un peu de soi, s’impliquer, se mettre en scène et donner des exemples d’utilisation concrets pour que le client puisse s’identifier et se visualiser avec le produit. Mais attention, il faut que ça reste honnête, sans être dans le jeu. J’aime donner des exemples de la vie quotidienne, pour remettre chaque personne dans une situation de son quotidien.
Comment vous préparez-vous avant un live shopping ?
Stéphane : Il faut déjà comprendre la marque pour mieux présenter ses produits. Tenir compte de certains éléments de contexte qui vont guider votre live et bien identifier le temps défini consacré à chacun des produits.
Une vente de 5 minutes ne se structure pas de la même manière qu’une vente de 15 minutes. Il faut scénariser la vente, si possible, la répéter pour ne pas laisser d’imprévus et y donner du rythme. Il faut aussi et surtout tenir compte de l’importance de l’image et de la lumière.
Un bon live shopping, c’est la synergie de tous ces éléments.
Charlotte : Je me familiarise avec le produit, je le teste, je le touche, je me documente au maximum, j’essaie d’avoir en tête tous les arguments globaux, sur papier, et je me demande comment “moi” je pourrais utiliser le produit que je vais vendre. Si ça ne m’est pas destiné, je vais chercher à savoir ce qui peut m’intéresser et à mettre en avant les “point of difference”, c’est-à-dire, pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Quelles sont les différences par rapport à un autre produit ? Je vais aussi demander à mon entourage ce qu’ils en pensent, pour avoir des avis et des arguments multiples.
Faut-il vraiment aimer le produit que vous vendez en live shopping ?
Stéphane : Pas forcément et c’est là toute la force d’un bon live seller. Notre objectif est de présenter les atouts d’un produit, d’installer un climat de confiance pour que le spectateur devienne consommateur.
On ne vend pas de la même manière une crème de beauté et un set de bricolage mais un bon live seller doit avoir cette aura qui lui permet de vendre des produits très différents.
J’ai l’habitude de dire que je peux vous parler d’une bouteille d’eau avec autant de passion qu’un smartphone de dernière génération.
Charlotte : Non. Absolument pas. D’où la nécessité d’être dans l’empathie. Même si je ne vais pas donner mon avis, je ne mens pas. Je ne vais pas dire que j’adore un produit alors que non, donc j’essaie de me projeter avec des arguments qui vont plaire à d’autres.
Il y a forcément des qualités objectives pour chaque produit ; le prix, la technologie, la matière, la qualité… des termes techniques indéniables pour argumenter.
En tant qu’animateur, on peut être très objectif et factuel mais on peut aussi révéler des parties de soi. Ça donne une impression de connivence, un peu comme un conseil à une copine. Même si on est factuel, on donne toujours une dimension humaine, un peu intimiste, pour créer une relation qui va au-delà du “j’aime” ou “j’aime pas”. C’est du conseil, on donne des suggestions et des astuces, pour que les publics aient l’impression de vivre un moment différent avec le live shopping, un moment qu’ils ne vivraient pas en e-shopping, seuls.
Quel est l’avenir du live shopping en France selon vous ?
Stéphane : Nous n’en sommes qu’au début avec un réel retard sur les autres pays comme la Chine, l’Angleterre et les Etats-Unis mais la crise covid a accéléré l’installation du live shopping en France, et c’est très bien comme cela.
Les modèles dans les pays étrangers vont nous guider dans les formats à installer tout en tenant compte des spécificités liées à la consommation des Français.
Nous avons tant à faire pour accompagner les marques et il y a une belle histoire à écrire.
Charlotte : C’est tout simplement l’avenir. Mais il faut dépoussiérer cette idée de «téléshopping » ou « téléachat ». Je pense que c’est un nouveau mode de consommation, surtout après les années covid, et donc un nouveau mode d’achat.
La distance n’est plus un frein, à nous de remettre de l’humain et de la proximité dans un acte d’achat à distance ; l’animateur ou l’animatrice apporte de l’émotion. Il faut créer de la surprise, de l’envie et provoquer le « ce produit est pour moi ». Pendant un live shopping, on est dans un moment honnête et pour les clients.