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Il aura fallu une nuit blanche, des heures de tractations et encore une journée entière de finalisation pour que les chefs d’Etats européens parviennent à un consensus sur les nominations aux postes clefs de l’Union Européenne.

Si ces nominations se sont faites dans la douleur, c’est que les « Tops Jobs » (Présidence de la Commission Européenne, Présidence de la BCE et Présidence du Parlement Européen…) sont stratégiques pour l’orientation de l’Union Européenne durant les 5 prochaines années.

Les candidatures sont donc l’objet d’âpres négociations entre les pays membres, et en particulier au sein du couple Franco-Allemand, afin de parvenir à un résultat qui soit politiquement acceptable pour tout le monde.

Même si la Présidence de la BCE et du Parlement Européen sont également des rôles clefs, c’est la présidence de la Commission Européenne qui a suscité le plus de débats.

Pour comprendre pourquoi, il faut se pencher sur le rapport de force qui existe aujourd’hui dans les institutions européennes. Le Parti Populaire Européen (PPE) de droite conservatrice est majoritaire au Parlement et comptait bien faire pression sur les dirigeants des pays membres pour imposer leurs vues. Seulement le PPE est divisé en interne et Angela Merkel, qui jusqu’ici arrivait à tenir la barque, semble aujourd’hui politiquement trop fragile pour pouvoir maintenir une cohérence interne.

Depuis plusieurs mois Angela Merkel poussait la candidature de Manfred Weber, l’Allemand membre de la CSU a été lâché quand la chancelière s’est rendu compte qu’il n’arrivait pas à rassembler une majorité, que ce soit au Conseil ou au Parlement. A titre de compensation, le Bavarois a essayé d’obtenir la présidence du Parlement Européen mais ce fut peine perdue. À sa place, le PPE a réussi à lui substituer un profil plus conciliant en la personne de Ursula Von Der Leyen, ministre de la Défense Allemande.

Cette série de nomination marque également la fin du système de « Spitzenkandidat » mis en place en 2014 pour désigner le président de la Commission Européenne. Avec ce système, les partis européens désignaient une tête de liste pour la présidence et le parti arrivé majoritaire voyait son poulain confirmé par un vote du Parlement.

 

Cette méthode était décriée car elle donnait un pouvoir énorme au parti majoritaire au Parlement, en omettant totalement l’avis des petits partis. Avec la nomination de Von Der Leyen à la place du « Spizenkandidat » Weber, les chefs d’Etats européens ont voulu reprendre la main sur la présidence de la Commission.

On pourrait voir ici une forme d’autoritarisme de la part des chefs d’Etats. En effet le Parlement Européen est le seul organe Européen directement élu par les peuples, et, à ce titre, possède une légitimité démocratique pour désigner celui ou celle qui orientera la politique Européenne durant les prochaines années.

Néanmoins l’Europe est aujourd’hui en crise, les partis anti-européens sont toujours plus nombreux au Parlement et les pays membres sont déchirés entre leurs intérêts nationaux et la nécessité de coopérer pour faire face à des problèmes transnationaux.
Considérant cela, les chefs d’Etat ont voulu désigner une personnalité consensuelle et capable de fédérer les pays européens plutôt que le champion du parti majoritaire au Parlement.

Le choix de Von Der Leyen n’est donc pas celui de la tendance majoritaire mais celui de la raison.

Au sein du couple Franco-Allemand elle est apparue comme la seule ayant la capacité de rassembler au-delà de son pays et de proposer un nouveau visage à l’Europe, un visage qui devra faire face à la plus grande période d’incertitude qu’ai connu le Vieux Continent depuis la chute du mur de Berlin.