C’est à un vrai numéro d’équilibriste que le premier ministre s’est livré, essayant de renouer avec son aile droite et gauche, dans un discours qui pourrait servir de cas d’école du « en même temps » Macronien.
Après une crise sociale de 6 mois marquée par l’apparition des Gilets Jaunes et des élections européennes qui ont vu le parti majoritaire arriver deuxième au coude à coude avec le Rassemblement National, ce discours de politique générale donne le coup d’envoi de l’ « Acte II » du quinquennat.
Durant son discours d’une heure, le premier ministre a désigné un adversaire clair : le statuquo. Ce statuquo est pour lui le responsable de la défiance des Français envers la classe politique et la raison de la montée de l’extrême droite. C’est ce refus du statuquo qui pousse la majorité présidentielle à présenter sans relâche des plans de réforme, quitte à déclencher la colère de la rue.
La crise des Gilets Jaunes vient de cette volonté de réformer vite, sans réelle concertation et en considérant, parfois à tort, que chaque mesure soit parfaitement comprise et acceptée par les citoyens. Si le Premier Ministre a reconnu un manque de pédagogie, il ne compte pas ralentir le rythme des réformes.
Dans la foulée du discours, le plan de réforme de l’assurance chômage a été dévoilé. Une des mesures fortes va être d’instaurer un système de bonus/malus pour les contrats courts. Dans les 5 à 7 secteurs d’activité qui ont le plus recours aux contrats courts, les cotisations sociales seront modulées en fonction du type de contrat. Cette mesure doit permettre de limiter les contrats courts afin d’améliorer la situation des travailleurs précaires.
Aujourd’hui, le nombre de CDI est en augmentation et le gouvernement espère que cette réforme aura pour effet de rendre ce dernier encore plus attractif au détriment des contrats courts.
Concernant l’éducation, le Premier Ministre a pour objectif de limiter à 24 le nombre d’élèves par classe sur tout le territoire. Après le dédoublement des classes de primaire dans les Zones d’Education Prioritaire décidé au début du quinquennat, cette mesure est conçue pour rallier l’aile gauche de sa majorité, mise à mal par la crise des Gilets Jaunes.
Sur sa droite, Edouard Philippe a annoncé que le Président de la République irait « remettre à plat » les accords de Schengen afin de limiter les flux migratoires. Cette annonce va dans la continuité du programme de la liste « Renaissance » portée par Nathalie Loiseau où la renégociation de l’espace Schengen était un des thèmes de campagne.
Le Gouvernement avait bien besoin de remobiliser ses troupes après une victoire en demi-teinte et la montée surprise du vote écologiste. L’écologie était justement au cœur du discours du Premier Ministre. L’« Acte II » du quinquennat sera écologique ou ne sera pas.
On pourrait arguer que cet intérêt marqué pour les problématiques écologiques est davantage le résultat de calculs électoraux que d’un véritable réveil de la conscience écologique de la majorité. En effet, si le vote écologiste progresse partout dans le pays, cela est d’autant plus marquant à Paris où l’échéance des municipales est dans l’esprit de tous les cadres de la majorité.
Parmi les mesures annoncées, la suppression progressive des emballages plastiques ne comportant pas de matière recyclée. Il a aussi déclaré que “tous les produits en plastique jetables seraient bannis” des services de l’Etat à compter de 2020. L’objectif de la loi « anti-gaspillage » est d’arriver à 100% de plastiques recyclés.
Cette mesure se pose en alternative au bannissement totale des emballages plastiques à usage unique, mesure voulue par une partie de la majorité et les écologistes mais jugée trop handicapante pour l’industrie. On voit ici le « en même temps » cher à LREM qui permet de maintenir à flot sa majorité plurielle.
Ce discours de politique générale, s’il marque le début de la deuxième partie du quinquennat, n’est pas le marqueur d’un changement de paradigme au sein du gouvernement.
Même si le Rassemblement National est arrivé en tête aux élections européennes, la débâcle annoncée de la majorité n’a pas eu lieu ce qui renforce l’exécutif dans sa détermination à mener ses réformes. Rendez-vous est pris à la prochaine échéance électorale pour voir si le Macronisme peut se décliner sous forme municipale.